Rénover l'examen AMF

J'émets 10 proposition pour rénover la certification AMF aujourd'hui devenu trop difficile et trop large. 
Voici la liste des 10 propositions que tu fais dans le texte :

1. Alléger la grille des connaissances en supprimant les sujets trop techniques et éloignés du quotidien des conseillers bancaires.
   
2. Rééquilibrer les barèmes des sujets en ajustant le nombre de questions pour mieux correspondre à la quantité de connaissances nécessaires dans chaque domaine.

3. Revoir la présentation de la grille de connaissances en redistribuant les sujets, en réorganisant l’ordre et en ajoutant des titres pour rendre la grille plus claire et pédagogique.

4. Homogénéiser les niveaux de difficulté et la forme des questions, afin que toutes les questions aient un niveau de difficulté similaire.

5. Éviter les questions sur des détails inutiles** et se concentrer sur les notions clés, pour un contenu plus pertinent.

6. Faire appel à un acteur externe pour gérer la base de questions de l'examen AMF, afin de garantir une meilleure qualité et cohérence dans leur formulation.

7. Élargir la participation des acteurs concernés dans la gestion de l’examen AMF, en incluant des associations représentatives des établissements financiers.

8. Ne pas divulguer toutes les questions de l’examen AMF au public, pour favoriser la compréhension des sujets plutôt que la mémorisation des questions.

9. Encadrer le contenu des validations internes des établissements bancaires, afin qu’elles se rapprochent de la nouvelle forme de l’examen AMF.

10. Trouver des équivalences nationales et internationales pour renforcer l’attractivité de l’examen, notamment en offrant des dispenses de formation ou des passerelles avec d’autres certifications comme le certification AMF Finance durable.

Revoir le contenu de la grille de connaissance

L’étendue des sujets ne constitue pas la plus grande difficulté de l’examen. Si l’objectif est de construire une culture générale financière solide il faut aborder un grand nombre de sujets. Pour autant certains points de connaissances listés dans la grille de connaissances me semblent s’aventurer sur des terrains tellement éloignés du quotidien des conseillers bancaires qu’il conviendrait de les retirer. 

A titre d’exemple : l’encadrement des dérivés sur matières premières, les modalités d’attribution du LEI, l’encadrement du trading algorithmique, le rôle des prestataires de services de communications de données, les sondages de marchés… sont peut-être intéressants pour des traders mais pour un conseiller de clientèle particuliers qui ne sait même pas ce qu’est Euronext ou ce que signifie OPCVM ces sujets sont hors sol. « Qui trop embrasse, mal étreint », soyons réaliste dans la capacité à intégrer des candidats. S’ils leur manquent des bases après avoir fait 2 à 3 ans d’études voir plus, comment imaginer aller jusqu’à leur apprendre des connaissances aussi pointues en deux ou trois mois ? 

Proposition 1 : Alléger la grille des points de connaissances trop techniques et trop éloignés du quotidien des conseillers. 

Hormis dans les sujets 4 et 6.4, les allégements se situeraient essentiellement dans les sujets « techniques » par exemple 7.9 ; 7.10 ; 8.4 ; 9.1 ; 9.3 ; 9.4 ; 9.5 ; 10.1 ; 10.2 ; 11.1 ; 12.2. Ces allègements peuvent impliquer la disparition d’un point de connaissance ou sa redéfinition. (grille des connaissances de l'Autorité des Marchés financiers disponible ici : https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2022-07/instruction_doc-2010-09_sur_la_certification_par_lamf_dun_examen_relatif_aux_connaissances_professionnelles.pdf page 20 ou de façon expurgée ici : https://aptoria.exoteach.com/elearning/#/cours/37 - inscription nécessaire mais gratuite)

Revoir les barèmes des sujets 

La grille de connaissance intègre de grands déséquilibres pour certains sujets entre la quantité de connaissance à maitriser et le nombre de questions qui s’y rattachent lors de l’examen. Cela a plusieurs effets négatifs : 

-          Certains sujets représentent une quantité de connaissance sous-jacente disproportionnée par rapport au poids dans l’examen. 

A titre d’exemple, un candidat qui cherche à maitriser le sujet plutôt que d’apprendre par cœur les questions qui s’y rattachent (il en existe encore Dieu merci), passera beaucoup de temps à travailler le sujet 1.5.1 couvrant notamment la politique économique et monétaire, fiscale et budgétaire ; le rôle des marchés financiers dans l’économie ; les indicateurs économiques et monétaires ; les fluctuations des marchés et leurs causes ; le cadre micro prudentiel et l’approche macro prudentielle et le risque systémique. Tout cela pour 2 questions sur les 120 le jour de l’examen. 

Le nombre de questions en base étant proportionnel au nombre de questions posées lors de l’examen, cela implique en outre qu’il y a relativement peu de questions sur tous ces points de connaissances (une trentaine a priori) ce qui signifie qu’il est probable que certains points ne soient pas du tout questionnés ! Grosse incitation à bachoter les questions plutôt qu’à essayer de comprendre. 

-          Le poids du sujet sur la finance durable est disproportionné. Alors que les sujets oscillent entre 1 et 5 questions, ce sujet est visé par 15 questions : plus que l’ensemble du thème 1 sur le cadre réglementaire, l’économie et le rôle et risques des marchés financiers ! Ce sujet est certes à la mode mais il ne vaut pas plus que tous ces sujets ou encore tous les sujets sur la gestion d’actifs. Qu’un candidat passe plus de temps à apprendre les durées de validité des labels durables plutôt que comprendre les fondamentaux de la gestion d’actifs, les différentes natures de fonds et la mesure de leur performance laisse songeur.[1]

Proposition 2 : rééquilibrer les barèmes des sujets

Je propose que le barème soit revu pour épouser plus fidèlement le poids des connaissances à maitriser. On peut imaginer 100 questions réparties sujet par sujet selon leur quantité de connaissance[2] puis 20 questions réparties pour des sujets sur lequel on souhaite mettre l’accent.

Changer la forme de la grille de connaissances

La grille de connaissances listant les sujets et leurs poids dans l’examen est d’une grande complexité. Sur 13 pages elle énumère les points de connaissances dans des sujets sans titre, avec une numérotation étrange[3] et alternant des sujets « techniques » (C) avec des sujets « réglementaires » (A). 

Un des effets négatifs souvent rencontré est qu’en numérotant et présentant dans un certain ordre les sujets on incite les apprenants à travailler les sujets dans cet ordre. Or il n’y a pas obligatoirement de sens particulier à cet ordre. Aujourd’hui les apprenants qui suivent la grille doivent parcourir la moitié du cursus avant de commencer à étudier les produits de placement. Ils doivent apprendre les abus de marchés avant d’apprendre les actions et l’organisation des marchés actions.

Certains sujets peuvent être intervertis et une approche plus pédagogique consisterait à travailler d’abord les sujets concrets que sont les produits d’investissements avant de voir la réglementation et les acteurs de la réglementation qui les encadrent. 

Il convient de revoir ce document pour qu’il devienne un énoncé simple du problème à résoudre et en même temps un tableau de bord pour suivre sa progression.

Proposition 3 : revoir la présentation de la grille. 

Je propose : 

  • de redistribuer les sujets dans des parties de poids moins disparates qu’aujourd’hui. Cela implique de créer de nouveaux thèmes mais permet une compréhension des enjeux plus faciles. 
  • De modifier les 2 grandes parties qui séparent aujourd’hui les 12 thèmes en regroupant les sujets C ensembles et les sujets A ensembles. 
  • De réorganiser l’ordre des sujets pour mettre en avant les produits et les marchés avant la réglementation qui les encadre.[4] 
  • De donner des titres à tous les sujets et de garder une forme identique pour tous les sujets.
  • De revoir la numérotation.

Rénover en profondeur les questions

La base unique a été construite en agglutinant des questions issues des organismes certifiés. Les rédacteurs sont donc multiples, ils ne se sont pas coordonnés en amont et l’AMF n’a pas dirigé leur travail de façon suffisamment précise. 

La base doit surmonter trois problèmes : 

1. Certaines questions restent ambigües ou mal rédigées.

J’ai personnellement audité l’intégralité de la première version de la base unique pour le compte de Bärchen et j’avais communiqué à l’AMF une liste de plus de 400 questions que j’estimais erronées, ambigüe, non-respectueuses des règles de rédaction ou dont la réponse était évidente. Il y a eu plusieurs versions depuis et du ménage a été réalisé, pourtant en regardant des questions via les plateformes que j’ai pu auditées je retombe encore sur des questions ambigües[5]

2. Les sujets sont inégalement couverts par les questions

Lors de la création de la base, personne n’a veillé à ce que tous les points de connaissance de la grille soient visés par une ou plusieurs questions ni qu’un nombre limité de questions ne visent le même point de connaissance. On se retrouve ainsi avec des grands déséquilibres. Par exemple je trouve près de 20 questions sur les ICO[6] mais seulement 3 sur la notion d’horizon de placement ou 2 sur la possibilité de revendre ses parts dans un fonds à tout moment.  

3. Le niveau de difficulté est extrêmement variable

Certaines questions sont évidentes[7], d’autres réclament une connaissance précise sur un point de détail. Demander si le délai dans lequel l’Amf doit répondre à un dossier d’investissement de chevaux de courses est d’un ou deux mois a-t-il un véritable intérêt ? Savoir que l’intégration de la notion de tolérance au risque est due à Mif2 et non Mif1 est-il d’une grande valeur ajoutée pour un conseiller ? 

Il est important pour avoir une bonne culture générale de savoir qui est Henri IV, beaucoup moins de savoir la couleur de son cheval et encore moins le nom de son maréchal-ferrant. A l’identique les questions AMF doivent viser des points de connaissances accessibles et si possible en lien avec le quotidien des conseillers, directement ou indirectement. Concentrons-nous sur l’essentiel. Le niveau de départ est tellement bas que cela constituera déjà un travail conséquent pour les candidats.

Proposition 4 : homogénéiser les niveaux de difficulté et la forme des questions

Proposition 5 : éviter que les questions visent des points de détail et les centrer sur les notions clés

Faire évoluer la gestion de la base des questions

Homogénéiser les niveaux de difficulté, la forme et le style des questions est un chantier qui ne peut être mené par un groupe de 14 organismes dont les intérêts et motivations sont diverses. Il est nécessaire de mobiliser un acteur central en charge de trier et travailler les questions qui seront ensuite soumises à approbation des organismes afin de limiter leur travail et garantir un standard de qualité. 

Proposition 6 : faire appel à un acteur externe pour faciliter la transition

Cet acteur pourrait être l’AMF mais encore faudrait-il que l’Autorité dispose des moyens suffisants pour réaliser cette tâche qui n’est pas mince. Le fait que l’AMF rédige directement des questions pose également des questions sur leur portée légale. 

Je propose que l’AMF réalise un appel d’offres pour sélectionner un prestataire capable de mener rapidement et à moindre coût ce chantier sous son contrôle et celui des organismes. 

Ce prestataire peut être un des organismes certifiés ou un consultant externe, tant qu’il dispose d’une maitrise non seulement des sujets mais aussi de la réalité des connaissances de départs et du quotidien des conseillers financiers. 

Le travail sera allégé si l’on accepte que le nombre de questions soit réduit. Passer à 1 600 / 1 800 questions permettrait d’exclure les questions les plus éloignée du nouveau format cible.[8]

Cet acteur pourra être contraint dans les prestations qu’il peut réaliser en de hors de son travail sur la base (gestion des conflits d’intérêt) et limité dans le temps (4 ans non renouvelable par exemple). Son financement sera assuré conjointement par l’AMF et par les organismes dont une partie du travail sera allégé. 

Proposition 7 : élargir les participants partie prenante à la gestion de l’examen. 

La réussite de l’examen AMF ne réside pas uniquement entre les mains des organismes certifiés et de l’AMF. Elle nécessite l’adhésion des établissements financiers assujettis. 

Je propose de convier à titre consultatif des associations représentatives des principaux assujettis soumis à l’examen : AFB, AFG, OCBF, AMAFI, organismes mutualistes, associations de CIF…. 

Faire évoluer la préparation à l’examen 

Apprendre par coeur des centaines de questions n’est pas digne d’intérêt à part peut-être pour améliorer ses capacités mémorielles. Pourtant c’est un exercice auquel se livre un grand nombre de candidats convaincus qu’ils arriveront à ingurgiter et retenir les 2 000 questions de la base alors même que cela est en fait impossible. 

La perception de l’apprenant est qu’une question mémorisée est un point potentiellement gagné. Il n’arrive pas à saisir que la quantité d’information à apprendre dépasse plusieurs centaines de pages ! C’est notamment dû au fait que le volume total n’est pas visible car sur les plateformes des organismes les questions ne se présentent pas les unes derrière les autres (justement car elles sont trop nombreuses !). 

Par ailleurs l’apprenant ne réalise pas que la connaissance acquise par du bachotage est éphémère et va disparaitre dans les jours à venir. On a tous du mal à se souvenir que l’on oublie (et plus vite qu’on le pense). 

Proposition 8 : Ne pas divulguer toutes les questions de l’examen au public. 

Une méthode qui remettrait la compréhension générale des sujets et non la mémorisation des questions serait de ne divulguer au public qu’une partie des questions, par exemple 1/3. Celles-ci seraient utilisées à des fins d’exercice, d’illustration et de contrôle. 

Évidemment les candidats continueront à vouloir mémoriser par cœur ces questions mais sauront que cela ne suffira pas.  

Cette méthode accessoirement permettrait de réduire sensiblement le risque de fuite.

Rapprocher les examens de validation interne de l’examen AMF

Les modifications proposées notamment vocation à coller plus à la réalité des conseillers en élaguant certains points de connaissances trop éloignés du quotidien des conseillers. La raison d’opter pour la Validation interne pour un établissement bancaire devrait donc théoriquement être plus limitée.

Proposition 9 : encadrer le contenu des validations internes  

Les examens de validation interne devraient de leur côté faire un effort pour se rapprocher de la nouvelle forme de l’examen AMF. 

Les spécificités liées à l’activité et à l’établissements devraient ainsi être limitées et se traduire par des questions qui ne puissent pas faire partie de la base commune AMF ou par l’absence de questions de la base AMF sur un point de connaissance donné. 

Un cadre propre aux validations internes pourrait être conçu au niveau des associations professionnelles, notamment si elles sont conviées à participer de façon consultative à la gestion de la base unique (voir proposition 7).

Enfin, il serait pertinent selon moi que les établissements proposent systématiquement à leurs collaborateurs de passer l’examen AMF qui doit rester un examen de place. Si un établissement estime qu’il est nécessaire d’y ajouter en plus un examen complémentaire sur les procédures et produits maison qu’il le fasse. 

Augmenter l’attractivité de l’examen AMF

L’examen AMF dans sa nouvelle version permettra d’acquérir de façon pérenne une grande quantité de connaissances utiles au quotidien. C’est en soit une motivation suffisante pour attirer les collaborateurs et étudiants, même ceux qui ne sont pas concernés par l’examen. 

Pour autant il serait positif de renforcer encore l’attractivité de l’examen en permettant aux lauréats d’obtenir des équivalences.

Proposition 10 : trouver des équivalences pour renforcer l’attractivité. 

Les équivalences peuvent être nationales ou internationales. 

  •  Une équivalence avec le Québec avait été conclue sur la partie technique. C’est marginal mais pourquoi ne pas reprendre cette route et se rapprocher des autres capitales européennes pour essayer de conclure de telles équivalence, notamment au regard des obligations de compétences issues de Mif2 ? 
  • Au niveau national le contenu de l'examen AMF comprend toute une partie sur la lutte contre le blanchiment, il serait pertinent de dispenser les apprenants de formation sur ce sujet l'année où ils réussissent l'examen. Mieux encore le bloc sur la finance durable étant le plus important, je propose que les lauréats de l'examen AMF puissent passer l'examen AMF Finance durable dans une forme adaptée allégée de la partie déjà comprise dans l'examen AMF ou prenant en compte le score obtenu par les candidats sur cette partie, c'est-à-dire les sujets 4 et 5 de la grille de connaissances de la certification AMF Finance durable [9].

 


[1] Il existe par ailleurs un examen AMF sur la finance durable optionnel qui couvre en profondeur ce sujet pour celles et ceux qui sont intéressés.
[2] Cette quantité peut être mesurée par exemple en comptant la quantité de texte consacrée dans mon manuel « Réussir l’examen AMF ».
[3] A titre d’exemple on passe du sujet 1.3 au 1.5.1 puis 1.5.2 puis 1.8.
[4] A l’instar de ce que j’ai fait dans « Examen AMF. L’essentiel » où j’ai remixé la grille de connaissances.
[5] Et je ne parle pas des références validant la pertinence de la question qui sont parfois périmées ou floues.
[6] Rappelons qu’il y a eu depuis 2018 seulement 4 opérations d’ICO en France…
[7] Une question sur ce qu’il convient de faire dans une situation donnée, proposait parmi les réponses « prendre les mesures appropriées » … comment cette réponse pourrait être erronée ?
[8] Cela implique aussi de modifier l’obligation que chaque organisme ne s’occupe d’actualiser que ses propres questions.  Cette règle qui induit plusieurs effets secondaires négatifs peut facilement être aménagée.
[9] Disponible sur le site de l'autorité des marchés financiers : https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2024-02/instruction-doc-2021-03-mise-a-jour-2024.pdf