Examen AMF : une nécessaire révision en 2024 ?

Résumé

L’examen AMF a introduit pour les professionnels de la finance et notamment les conseillers, une obligation de connaissance minimales sur les marchés financiers et la réglementation. Cet examen de connaissance de 120 questions vise des sujets techniques et réglementaire et a permis à des milliers d’étudiants et professionnels d’élever leur niveau de connaissance en finance. 

Sa révision en 2020, 10 ans après sa création, avait comme objectif de lutter contre un bachotage systématique et corriger certains défauts. Elle a cependant singulièrement augmenté le niveau de difficulté. Les établissements financiers n’ont pas pris la mesure de ce changement. Les taux de succès se sont écroulés et les conditions d’apprentissage se sont dégradés. 

Il est temps de réviser l’examen pour l’ajuster aux réalités de terrain et permettre aux conseillers financiers d’intégrer des connaissances utiles de façon pérenne, l’objectif initial de l’examen. 

Je fais 10 propositions en ce sens car sans changement, l’examen AMF risque purement et simplement de disparaitre, remplacé par des examens internes loin des ambitions originelles de l’AMF.

Brève histoire de l’examen AMF. 

Relever le niveau

En 2010 l’AMF introduisait un examen obligeant les conseillers financiers où qu’ils soient à acquérir une culture minimale sur les instruments et marchés financiers, les autorités et les obligations réglementaires qui s’imposent à eux. C’était une bonne chose. 

Cet examen de connaissances sous la forme de QRU au parcours ambitieux (12 thèmes 54 sujets répartis en2 parties, réglementaire et technique), concerne la plupart des professionnels de la finance mais la grande majorité des candidats sont des conseillers au sein des réseaux bancaires et les étudiants visant ce métier. [1]

Ces derniers en ont grandement besoin, ils arrivent dans le métier souvent avec des lacunes sur les marchés financiers et les produits d’investissement qu’ils seront pourtant amenés à conseiller et ne recevaient pas particulièrement de formation de fond sur ces sujets par leur employeur une fois en poste. La plupart ignore ce que veut dire OPCVM ou l’existence de l’AMF.  

L’examen AMF a permis à des milliers de conseillers de (re)découvrir l’environnement des placements financiers. 


Certains défauts à corriger

La structure initiale de l’examen n’était pas exempte de défauts, aucun examen n’est parfait. 

Chaque organisme de formation certifié pour faire passer l’examen avait créé sa propre base de 600 questions. Certains examens se sont ainsi avérés plus difficiles que d’autres. 

Par ailleurs la possibilité d’accéder librement aux questions des bases d’examen permettait aux candidats de bachoter en les apprenants par cœur. Méthode qui n’est ni la plus efficace ni la plus enrichissante mais qui est vite devenue la norme car au final elle fonctionne. Au travail sur le fond pour acquérir une compréhension pérenne de fondamentaux de la finance a donc été rapidement privilégié la mémorisation court terme de données abstraites par la majorité des candidats.

Enfin aussi vaste soit elle, la grille de connaissances de l’AMF comprenait certains oublis et comptait des redondances. 

Une nécessaire révision

En 2019 a été lancé le chantier de révision de l’examen AMF. Associant la douzaine d’organismes certifiés et tous les membres du HCCP[2] , des séries d’ateliers ont permis de travailler sur la structure de l’examen, les sujets visés et la mise en place d’une base unique mutualisant des questions issues de tous les organismes certifiés. 

Cette base unique souhaitée par l’AMF devait permettre d’éliminer la différence entre les examens. Avec plus de 2400 questions elle devait rendre inaccessible son apprentissage par cœur même si son accès restait ouvert aux candidats dans la phase d’entrainement. Partagée par tous les organismes elle allait réduire réduisait singulièrement le travail de l’AMF. 

La révision de l’examen ne se limita pas à la création de la base unique mais donna lieu à une augmentation des sujets couverts, et un passage de l’examen de 100 à 120 questions. Elle intégra aussi un nivellement des niveaux de réussite exigés à 80% pour les questions techniques et les questions réglementaire contre auparavant 75% pour les sujets techniques et 85% pour les sujets réglementaires.[3]

La nouvelle formule a été lancée en 2020, 10 ans après la création de l’examen AMF. 

Une triple augmentation pour une baisse brutale

A cette époque j’avais prévenu mes clients que ce nouvel examen allait provoquer un effondrement des taux de succès car elle impliquait une triple augmentation de la difficulté liée : 

1. à l’impossibilité d’avoir recours au bachotage.

L’adoption par les apprenants de méthodes privilégiant la compréhension permet d’y pallier tout en limitant comme nous avons pu le prouver au sein de Bärchen le temps de travail. Mais pour cela l’apprenant doit pouvoir accéder à des ressources adaptées, disposer d’un environnement propice (en journée pas le soir) et soit prêt à rompre avec les pratiques de bachotage depuis 10 ans. 

2. au plus grand nombre de sujets. 

Ajouter des sujets sans en enlever alourdit mécaniquement le travail nécessaire pour réussir. 

3.  au nivellement des taux de réussite exigés. 

Tout d’abord le jeu des arrondis fait que les taux ont en moyenne augmenté[4]. Mais surtout le nivellement pénalise les conseillers particuliers alors qu’elle favorise les gérants et traders. En effet ces derniers peinaient auparavant uniquement sur les questions réglementaires. Baisser de 5% le seuil de la partie réglementaire a été un beau cadeau, relever celui de la partie technique n’a rien changé car ils avaient déjà en moyenne plus de 90% de taux de réussite sur cette partie[5]

En revanche pour les conseillers bancaires, les deux parties sont d’égales difficultés car leur niveau de connaissance initial est bas aussi bien en réglementation qu’en connaissances des instruments financiers. Baisser le seuil sur la partie réglementaire est positif pour eux mais est hélas contrebalancé par l’augmentation du seuil sur la partie technique qui compte beaucoup plus de questions.

Pire que prévu. 

Après plusieurs années de pratique il est temps de dresser un constat. 

Les taux de réussite se sont effectivement effondrés au début… mais ne se sont pas totalement relevés depuis. Ainsi selon l'Autorité des Marchés Financiers, en 2019 15 000 personnes ont réussi l'examen AMF, en 2020 année de la mise en oeuvre de la réforme ils n'étaient que 5 500 et si en 2021 ils remontaient à 10 000 en 2022 le chiffre des lauréats retombait à 7 000 (malheureusement nous n'avons pas accès au taux de réussite à l'examen ni au nombre de candidats).
Si les raisons 2 et 3 listées ci-dessus sont toujours présentes, le tassement des taux de réussite liée à la raison 1 n’aurait dû être que temporaire. Un changement de pratiques d’apprentissage aurait dû permettre de pallier à la disparition de la solution pénible et sans intérêt mais pour autant efficace pour obtenir le score souhaité le jour J de bachoter les questions. 

Pourquoi les pratiques n’ont-elles pas changées ? 

Les établissements s’étaient habitués à ce que les apprenants gèrent eux-mêmes le problème de l’examen AMF. Si l’accès à la base de question en ligne leur suffit pour réussir, pourquoi dépenser plus ? De 2010 à 2019 j’ai ainsi vu la pression sur les budgets augmenter, les demandes pour de la formation en présentiel disparaitre, les solutions distancielles à suivre en autonomie plébiscitées. 

Or passer d’un modèle bachotage à un modèle « compréhension » implique un réinvestissement dans la pédagogie et l’accompagnement des apprenants. Cela prend du temps, implique des outils distanciels adaptés mais aussi des formations synchrones et de l’accompagnement voir du tutorat. Bref, c’est un investissement plus qu’une charge mais il faut quand même sortir le chéquier.  

Une simple histoire de sous ? 

Accéder à une compréhension solide des fondamentaux permettant de répondre à toutes questions de l’examen nécessite un changement de modèle. Les établissements financiers n’ont ni perçu le besoin ni mis en œuvre les budgets nécessaires. Les services formations n’ont pas compris la révolution qui arrivait malgré les alertes : manque de compréhension technique de l’examen, de confiance vis-à-vis des prestataires, de compétences pédagogiques, de budget, de pouvoir pour imposer du temps de formation sur le temps de production.

L’incapacité des établissements à embrasser une solution pédagogique permettant d’élever réellement les compétences de leurs collaborateurs dans le cadre de l’examen AMF est une leçon à méditer sur l’état de la formation dans les banques.[6]

Un développement des Validations internes

La réaction initiale pour faire face à l’effondrement des scores consistant à changer de prestataires – il fallait bien un coupable -- a fait long feu. Même si la nouvelle plateforme disposait de meilleures ressources que la précédente, même si elle intégrait des gadgets numériques en grand nombre rien n’y a fait et les scores sont restés désespérément bas. 

Certains établissements se sont dès lors tournés vers la solution la plus drastique. Sortir de l’examen AMF et mettre en œuvre à la place une Validation interne. 

Cette Validation interne est une dérogation accordée aux établissements financiers en 2010 leur permettant de mettre en œuvre un examen interne visant les mêmes connaissances mais avec des adaptations pour prendre en compte l’environnement spécifique des conseillers.

Beaucoup de grands groupes ont mis en œuvre une validation interne qui dans les faits est beaucoup plus facile que l’examen AMF. Par exemple un modèle parmi d’autres consistait il y a quelques années à utiliser la même base de questions et la même structure d’examen que l’examen AMF mais avec des seuils de réussite 10% plus bas. Comment une telle anomalie a pu perdurer est un mystère.

La version 2020 de l’examen AMF a renforcé l’attrait de la validation interne et à ma connaissance au moins un grand réseau national a opté pour elle et arrêter de proposer l’examen AMF à ses recrues. De nombreuses autres banques sont intéressées. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? 

Conclusion : il est temps de faire évoluer l’examen AMF           

L’examen AMF actuel est devenu très difficile pour les conseillers en agence qui constituent l’écrasante majorité des candidats. Il provoque beaucoup de stress chez les apprenants qui font face à la pression de leur management sans avoir les outils nécessaires pour réussir. 

Les établissements financiers devraient investir pour changer de modèle pédagogique et opter pour un apprentissage permettant d’augmenter durablement les compétences de leurs collaborateurs et leur donnerait les moyens de réussir l’examen AMF sans avoir à bachoter ou miser sur la chance. Ce n’est pas leur choix actuellement et les taux de succès sont donc condamnés à stagner. 

Le risque est de voir les établissements opter massivement pour un système de validation interne qui leur permet d’échapper au dispositif de l’examen AMF[7]

Face à ce constat il est temps selon moi de faire évoluer une nouvelle fois l’examen AMF en apprenant des réussites mais aussi des erreurs passées. 
J'articule dans l'article à venir 10 propositions pour revoir le modèle et faire progresser les collaborateurs des établissements financiers dans leur maitrise des instruments et marchés financiers. 

 

[1] Pour les personnes qui ne sont pas familières avec l’examen AMF il est conseillé de jeter un œil sur la grille de connaissance AMF qui liste tous les points de connaissance et leur poids dans l’examen. Elle est disponible en annexe de l’instruction de l’AMF instaurant l’examen, entre les pages 20 et 31 (https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2022-07/instruction_doc-2010-09_sur_la_certification_par_lamf_dun_examen_relatif_aux_connaissances_professionnelles.pdf )  ou encore dans un document à part directement sur mon site de préparation à l’examen AMF https://aptoria.exoteach.com/elearning/#/cours/37 (accès gratuit mais nécessitant de créer un compte)
[2] Haut Conseil Certificateur de Place
[3] Si vous n’obtenez pas ces scores à l’une ou l’autre des deux parties de l’examen vous avez perdu !
[4] Sur la partie « réglementaire » A qui comptait 34 questions dans la version initiale et 33 questions dans la version 2020, le taux réel est passé de 85,3% (29 sur 34) à 81,18% (27 sur 33). Pour la partie « technique » C qui comptait 66 questions dans la version initiale et 82 questions dans la version 2020, le taux réel est passé de 75,8% (50 sur 66) à 80,46% (70 sur 87). Le taux moyen global est passé de 79% à 80,83% (97 sur 120).
[5] Selon les statistiques calculées au sein de Bärchen en 2019 sur l’ensemble des candidats en salle des marchés et métiers de la gestion.
[6] Il faut évidemment nuancer, certains établissements ont été beaucoup plus à l’écoute que d’autres et dans la liste des « manques » beaucoup ne cochaient pas toutes les cases. [7]  Remarquons que les étudiants n’ont pas cette option et sont encore plus à la peine que les salariés de banque !