Mars 2025 - L'examen AMF est il utile ? 

La question est légitime. Non par dogmatisme mais par réalisme.

La certification AMF est censée protéger autant le professionnel que son client en limitant le risque de conformité et en garantissant un plus haut niveau de professionnalisme notamment dans le cadre du conseil en investissements. Meilleur service, moins de réclamation, plus d'adhésion.
Mais le point de départ de cette logique est de délivrer un service conforme. Or dans les faits ce n'est pas le cas. Ce n'est pas moi qui le dit mais l'AMF.
Mystère
En effet dans le cadre de mon accompagnement d'étudiants à la certification AMF je leur fait étudier des documents très intéressants : les comptes-rendus des visites mystères de l'AMF.
Si je regarde les deux derniers opus consacrés en 2024 aux critères de durabilité à déterminer dans un conseil en investissement et en 2022 au conseil en investissements financiers auprès de prospects j'ai de quoi tomber de ma chaise.
Le compte n'est pas bon
Près de 15 ans après la mise en œuvre de la Certification AMF le niveau de conformité constaté  lors de ces visites de clients mystère dans les agences de plus grandes banques du marché est catastrophique dans les deux cas. 
Exemples : moins de 20% des conseillers ont remis un rapport d'adéquation, moins d'un sur trois précise s'il est indépendant, près d'un sur deux n'aborde pas la tolérance aux risque du client, dans plus de 60% des cas aucun document sur les frais n'a été remis, seulement un sur trois pose des questions explicites sur les préférences en matière de durabilité... 
N'en jetez plus ! 
Comment de tels résultats sont possibles alors que la plupart des conseillers ont dû réussir l'examen AMF qui place un poids lourd sur ces obligations? 
Certes les obligations liées à Mif2 sont postérieurs à 2010, la date d'entrée en vigueur de l'examen AMF,  mais la plupart des éléments sur lesquels ont été jugés les conseillers étaient bel et bien en place dès 2010. 

 

L'examen AMF y est-il pour quelque chose ?
Accuser l'examen AMF est peut-être trop facile. Passer un examen n'implique ni de retenir tous ce qu'il contient pour des siècles et des siècles ni d'avoir la volonté de tout appliquer au quotidien. Tout le monde a réussi le code de la route et il suffit d'observer le comportement des conducteurs pour se rendre compte que peu le respecte à la lettre. 
Cela étant, le ratio de ceux qui respectent les grandes règles tel que s'arrêter aux feux rouges et ne pas dépasser les limitations de vitesse est tout de même supérieur au 20% ou 30% de respect des règles essentielles du du conseil en investissement constaté lors des visites mystères de l'AMF. Par ailleurs vu les conséquences potentielles de ne pas les respecter on peut partir du principe qu'un professionnel qui connait les règles, les respectera. Il s'agit donc bel et bien d'un manque de connaissance que de mauvaise foi ou d'une volonté manifeste de ne pas suivre les règles.

Un apprentissage de mauvaise qualité
Une des raisons est la façon dont on prépare nos banquiers à l'examen AMF. Avant la réforme 2020 la plupart bachotait les questions sans comprendre,  depuis la réforme de 2020 qui a multiplié par 4 la quantité de questions, la plupart ... bachote sans comprendre mais c'est plus dur et les taux s'effondrent. Du coup les banques sortent le joker et abandonnent de plus en plus l'examen certifié AMF pour passer à une validation interne où là le bachotage est encore de mise. 

Et MIF 2 ?
Ce manque de connaissance peut être lié également à un problème de maintenance et d'actualisation des connaissances. Malgré l'obligation de formation régulière instaurée par MIF2  il est clair que cela ne revient pas à repasser l'examen et que ces formations sont souvent des elearning de type "je clique et j'oublie" ou surtout centrées sur les process et produits maison plus que sur les obligations générales.
En résumé

  • Des professionnels qui ne s'intéressent pas trop à la réglementation surtout sur des sujets comme le conseil en investissements qu'ils ne pratiquent pas matin, midi et soir. 
  • Une formation bourre crâne pour passer l'examen AMF ou un succédané (validation interne) qui n'apprend pas grand chose et qui part aux oubliettes rapidement
  • Une maintenance à coup d'elearning "click and forget" pour produire des reportings à afficher dans les services formation et dans les reporting pour se gargariser de l'effort de formation réalisé pour les forces vives de l'entreprise. 

Et après on s'étonne que le niveau de connaissance des règles ne soit pas bon.
Solution

  1. On change de vision et on ne considère plus l'examen AMF comme un obstacle à passer mais une opportunité pour apprendre. 
  2. On arrête de bachoter et on applique un parcours de formation qui reprennent les bases pour que les banquiers comprennent ce qu'ils apprennent et fassent le lien avec leur quotidien, leurs produits, leurs clients, les services qu'ils vendent.
  3. On réforme l'examen AMF pour que ce ne soit plus un Everest à gravir à mains nues mais un outil d'amélioration (cf. mes propositions pour réformer l'examen AMF).

Si vous êtes décideur dans un établissement touché par ce phénomène et que vous voulez remettre à plat la façon d'enseigner les règles et la conformité dans votre établissement, contactez moi, je serais ravi de vous aider.

Liens :
Visite mystère 2024 : finance durable : https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/publications/rapports-etudes-et-analyses/resultats-detailles-des-visites-mystere-amf-finance-durable-2024

Visite mystère 2022 : conseil en investissements risquophobe / risquophile : https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2023-03/R%C3%A9sultats%20des%20campagnes%20de%20visites%20myst%C3%A8re%20risquophobe%20-%20risquophile%202022_0.pdf